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Terre d’éternels conflits armés, vaste cimetière à ciel ouvert où sont enterrées chaque année des millions de personnes, désert des économies flouées et des rêves spoliées, l’Afrique est aussi l’eldorado des firmes pharmaceutiques internationales qui viennent y tester leurs nouveaux produits dans l’absolu mépris des règles éthiques de la recherche biomédicale.
C’est ainsi que malgré elle et au détriment des vies humaines sacrifiées sans scrupules sur l’autel du « progrès » médical, l’Afrique contribue à faire avancer la science. Surfant sur le climat de corruption généralisée des autorités et gouvernements locaux, de l’impunité cancérigène, les laboratoires pharmaceutiques ont investi le continent nègre pour le « sauver » du marasme sanitaire dans lequel il s’enfonce un peu plus chaque jour. Personne n’ignore que le berceau de l’humanité est aussi celui de la plupart des pandémies, du sida au paludisme en passant par la tuberculose. Des pandémies qui exterminent à elles seules plus d’Africains que la totalité des déchirements fratricides réunis. C’est donc en « sauveurs » et « humanitaires » que les laboratoires occidentaux s’implantent sur le continent afin de mener en toute discrétion des expérimentations qu’ils ne mèneraient assurément pas de cette manière dans leurs propres pays. L’ignorance des patients et l’exécrable pauvreté aidant, les travaux sont menés dans l’opacité la plus grande. S’il est vrai que dans les attitudes et discours officiels, l’Afrique est un continent relégué à l’échelon « intouchable » à l’instar de la fameuse caste indienne, et que, depuis quelques années, elle est devenue particulièrement « indésirable », restant la cible du durcissement des politiques d’immigrations concertées, le « territoire des sombres misères » est utilisé par les « industriels du médicaments » selon l’expression de Jean-Philippe Chippaux, pour résoudre les problèmes sanitaires du Nord.
Entre 2004 et 2005, l’association Family Health International (FHI) appuyée par le laboratoire américain Gilead Sciences dont les principaux donateurs sont le gouvernement américain et la Fondation Bill et Melinda Gates, a mené dans plusieurs pays africains, le Nigeria, le Cameroun, le Ghana, des essais cliniques du Tenofovir ®, un antiviral utilisé contre le sida sur des hordes de prostituées[1], encouragées à avoir des rapports sexuels non protégés. Dénoncés par des ONG locales comme celle du Réseau Etudes Droit et Sida (REDS)[2] et face à l’émoi des populations, ces essais ont été « officiellement » suspendus. L’Afrique représente par la « faiblesse des coûts et des contrôles », une véritable aubaine pour les groupes pharmaceutiques. Les dérives liées à l’absence d’une observation stricte des règles éthiques, qui prévalent pourtant en Occident, ont poussé ces groupes à voir en ce continent, plongé dans une sorte d’apocalypse, un paradis des expérimentations interdites. En 2005, révélé par la chaîne de télévision française France 2 dans l’émission Complément d’enquête, le scandale des prostituées de Douala éclatait au Cameroun[3]. Une sordide affaire de pots de vin et de contrats mal négociés qui autorisaient, sur fond de confusion et de démission, la branche locale de la FHI, Care and Health Program, à pousser ces « filles de joie » à multiplier les rapports sexuels sans protection afin de « tester » l’efficacité d’un produit maison de prévention contre le sida. Obnubilées par les avantages financiers (payées environ quatre euros par mois) et matériels de la proposition, bernées par l’accord du ministère de la Santé, les filles ne doutant pas de la « bienveillance » de ces « médecins » ont joué le morbide jeu. Les prostituées n’étant pas prise en charge en cas d’infection VIH par le groupe pharmaceutique[4], mais par les pouvoirs publics dont on connaît le zèle, se sont retrouvées rapidement malades et abandonnées à leur sort. Urbain Olanguena, le tout-puissant ministre camerounais de la Santé publique, fut limogée pour calmer la colère des populations. Arrêté puis écroué pour détournement de fonds publics et corruption, il attend toujours l’ouverture de son procès. Les essais de la FHI menés dans d’autres pays comme le Malawi ou le Botswana, furent face au tollé camerounais momentanément « suspendus ». Mais personne n’est dupe, ces expérimentations continuent sous une forme ou une autre, sans le vacarme des chantres de la « bonne conscience » et des prophètes « casse-pieds » du respect des droits de l’homme.
Alors « Loin des yeux, loin de l’éthique ? » comme se le demandait Lise-Marie Gervais à la veille de l’ouverture de la Conférence mondiale sur le sida tenue récemment à Mexico, la réponse est clairement affirmative au vu des pratiques répertoriées sur le continent africain. Loin de la rigueur des législations occidentales, dans les zones en souffrance et de détresses humaines, les « anges exterminateurs à la blouse blanche » profitent des faiblesses du système pour se permettre le meilleur de l’immoralité scientifique. Une situation préoccupante qui appellerait presque une autre interrogation, quelle éthique pour la recherche pressée d’arriver rapidement à des « traitements » miracles ? Le non-respect des conventions internationales[5], l’urgence épidémique, la nécessité sanitaire, tous ces arguments justifient-ils que l’on « tolère » l’inacceptable ? Pour les « Big Pharma » la question ne se pose même pas. Le choix est tout fait. Les Africains, ainsi que leurs amis asiatiques, sont les nouveaux « rats de laboratoire » sur lesquels sont bâties les perspectives de profits gigantesques. Les ressources naturelles ne suffisent plus, il faut aussi que la vie « misérable » de l’homme africain puisse servir à quelque chose.
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Ludewic Mac Kwin De Davy
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