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On assiste désormais à la délocalisation de la recherche biomédicale, toujours pour les mêmes raisons : coûts sensiblement moins élevés, « main-d’œuvre » abondante et agonisante. En 2006, selon Sonia Sha[6], journaliste américaine, « plus de la moitié des tests thérapeutiques de Glaxo SmiyhKline ont eu lieu hors de l’Occident ». C’est dire que la préférence pour les pays du Sud semble définitivement inscrite dans les mœurs des capitalistes du médicament. L’Occident ne peut pas supporter ou encore moins recevoir la misère de l’Afrique, entendons-nous dans les discours des hommes politiques « décomplexés », mais l’Occident peut « légitimement » s’autoriser à faire tester ses médicaments par les miséreux africains. Quitte à mourir, mieux vaut le faire en rendant service aux plus riches.
La recherche biomédicale est régie par des principes pourtant reconnus et « acceptés » par tous. Que ce soit de la Déclaration internationale des droits de l’homme au Code d’éthique pour les entreprises ou Global Compact, en passant par une série de règles[7] qui encadrent les essais cliniques[8], il est rappelé que « l’intérêt du patient doit primer sur l’intérêt général, celui de la science et encore plus sur celui des entreprises pharmaceutiques ». Le Code de Nuremberg[9] lui stipule que le consentement du « cobaye » doit être « libre » et « éclairé ». Quelle valeur peut-on accorder à un consentement lorsque le patient est mal informé des risques encourus et écrasé par le poids d’une existence difficile ? Quelle liberté a-t-on quand il faut patienter des heures voire des jours, sous un soleil de plomb ou sous un déluge, pour être reçu par un médecin et que l’on a pas les moyens de se soigner ? Dans cette jungle de non-dits et d’hypocrisie où il est courant de tirer sur l’élasticité des termes juridiques, le patient est une proie qui s’ignore[10]. Au Cameroun, certaines associations d’étudiants en droit proposent, bénévolement, désormais aux patients de pouvoir se tourner vers elles afin de recevoir un avis neutre sur l’objet et les finalités de la recherche pour laquelle ils sont sollicités. Un effort qui n’est malheureusement pas encouragé par le gouvernement sectaire et corrompu.
Les agissements criminels des firmes pharmaceutiques en Afrique sont de honteuses infractions qui laissent de marbre les grandes institutions internationales. Elles, comme à l’accoutumée, détournent les yeux et se bouchent les narines. Une politique de l’autruche dans laquelle il convient de le dire, l’Occident est largement gagnant. Or l’Occident, c’est la Cour internationale de justice, l’Organisation des Nations unies, la moralité candide, l’Histoire, l’unique source de sagesse et d’intelligence, qui sait ce qui est bien et ce qui est mal. Depuis les années 1990 avec la controverse sur les essais cliniques concernant l’utilisation du placebo, les placards de la recherche biomédicale n’ont cessé de se remplir de cadavres dont la pétulance embaume les brevets et autres prix honorifiques. En 1996, le géant Pfizer utilisait dans l’État de Kano au Nigeria[11], des enfants comme cobayes, de manière illégale, dans sa recherche d’un médicament contre la méningite. Sur les 200 enfants atteints de méningite, 99 d’entre eux ont reçu le Trovan Floraxine, le produit au cœur de l’essai clinique, tandis que 101 autres prenaient du Ceftriaxone, normalement prescrit dans le traitement de la méningite. À la fin de cet essai clinique, on dénombrait 11 enfants morts et on a pu diagnostiquer chez les autres de nombreux séquelles : surdité, paralysie, lésions cérébrales, cécité. Un exemple patent de l’« exploitation par l’ignorance » comme le qualifiait en 2007 le Washington Post[12] . Mais pour Pfizer, cet essai a contribué à sauver des vies, sans préciser lesquelles[13].
En 2004, le magazine allemand Zeit dénonçait dans une enquête les activités de la Syrie au Darfour qui consistaient essentiellement à tester sur les populations noires des armes chimiques. Que dire du Project Coast développé durant l’apartheid en Afrique du Sud qui a vu la collaboration des États-Unis, de la Suisse, d’Israël, de l’Angleterre, de la France et de certains pays arabo-musulmans (Irak, Libye), et dont le but était de créer une « molécule mortelle sensible à la mélanine qui pigmente des Noirs »[14]. Une sorte d’arme de destruction raciale qui aurait permis de « limiter » le poids démographique de cette catégorie d’individus constituant une menace permanente. Les programmes de stérilisation des femmes « de couleur » mis en place viendront appuyés cette folie.
L’Afrique, trop souvent méprisée et moquée, petit bout du monde « noir » qui n’a pas su « entrer dans l’Histoire », dit-on dans ces cercles fermés et salons cossus où son sort est par ailleurs décidé, cette Afrique disais-je, est aujourd’hui le terrain privilégié pour toutes les « expérimentations industrielles les plus amorales, les plus productivistes et les moins coûteuses ». Au Burkina Faso, le puissant Mosanto, après d’énormes pressions sur le gouvernement et quelques virements bancaires, a pu convaincre le gouvernement d’ouvrir ses frontières aux OGM malgré les appels à l’observation du principe de précaution formulés par le Pr Didier Zongo, célèbre généticien. L’État ne « protégeant que les intérêts d’une classe parasite » oligarque et du « capital étranger dont elle est plus ou moins issue par cooptation et influence », néglige superbement le droit des peuples à savoir et à choisir. Et ceux qui tentent de mobiliser les masses populaires en les informant des dangers de l’allégeance des autorités à la « bourse » occidentale, ils sont rapidement réduits au silence, emprisonnés ou assassinés. En Côte-d’Ivoire, l’État ayant donné son consentement pour des essais cliniques, s’est rétracté en exigeant de grosses compensations financières pour les victimes. Cherchant à éviter le scandale, la firme pharmaceutique décida de remettre un chèque de 100 milliard de francs à l’État qui s’empressa d’encaisser le magot en refilant des miettes, soit une centaine de million de francs, à ceux qui en avaient le plus besoin, les victimes. Le marchandage de la vie des patients est une infamie qui témoigne de la perfidie de certains groupes capitalistes et de leurs vassaux de dirigeants africains.
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Ludewic Mac Kwin De Davy
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