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Le suicide : le dernier tabou africain Printable Version PRINTABLE VERSION
by Youths Ahead!, Cameroon Oct 9, 2008
Media , Human Rights , Health   Opinions
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Il y a quelques jours, Myriam a été retrouvée morte dans sa chambre. A coté de son corps inerte, se trouvait un flacon de comprimés entièrement vidé. C’était une adolescente qui allait encore au collège à Yaoundé. Personne n’a rien vu venir. En guise d’adieu, elle a laissé une lettre à ses parents dans laquelle elle tentait d’expliquer son geste. D’expliquer l’inexplicable.

« Une personne met fin à ses jours toutes les 40 secondes et l’on enregistre une tentative de suicide toutes les trois secondes. Aucun pays n’est épargné ». L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) fait ce constat froid et inquiétant des ravages silencieux du suicide. Du Royaume Uni aux Etats-Unis d’Amérique en passant par l’Algérie , le suicide est une urgence qui est loin d’être exclusivement occidentale. Touchant la quasi-totalité des zones géographiques, des couches sociales, des jeunes aux adultes , le suicide interpelle aussi les sociétés africaines et exige qu’on lui consacre de véritables moyens de lutte.
Le suicide est le cheminement qui va de l’intention d’en finir avec l’existence au passage à l’acte. Il est un processus personnel qui n’est pas aisé de détecter et pour de nombreuses familles l’étonnement vient souvent se mêler au désarroi après une tentative de suicide. Il est difficile de trouver l’élément déclencheur ou le « facteur déterminant » – celui qui a finalement poussé à franchir le point de non-retour. Ainsi, le suicide pousse à la remise en question et au questionnement du fonctionnement même des sociétés, des modèles de développement avec les modes de vie, les conditions de travail, l’individualisme qui se construisent et se structurent. C’est un appel à remettre l’individu au cœur des préoccupations et au centre des intérêts. Des millions de personnes chaque année se donnent la mort pour des raisons aussi multiples que diverses et l’augmentation des comportements suicidaires laissent prévoir que cette statistique macabre n’est qu’un avant-goût du désastre qui guette le monde (on estime que dans moins de dix ans, le monde comptera plus d’1,5 millions de suicidés). Malgré l’activisme de l’OMS – qui a par ailleurs instauré une Journée Mondiale de Prévention du suicide le 10 septembre - et de nombreuses ONG locales ou internationales, les politiques d’anticipation et de prévention comme élaborées en France ou en Suède, force est constater que faute de lutter efficacement contre les raisons, les origines du malaise, on tente comme on peut de colmater les brèches. Plus meurtrier que tous les conflits armés qui sévissent à l’heure actuelle dans le monde, le suicide est une silencieuse violence qui fait moins de bruit qu’une kalachnikov mais autant de victimes qu’un 11 septembre.

En Afrique, la question du suicide est très vite éclipsée par la brutalité et la profusion des conflits fratricides, sans doute parce que le suicide tue loin des cameras et du sensationnel, à l’abri des regards qui n’osent voir et des voix qui préfèrent se taire, par pudeur ou par honte. C’est donc un sujet tabou dans son essence et dans sa manifestation. De nombreuses coutumes considèrent que le suicide est une malédiction ou un acte de sorcellerie . Ainsi il est plus facile de parler d’ « accident » pour dire « suicide ». Le mot étant banni voire proscrit dans de nombreuses familles africaines, il est plus compliqué d’estampiller un suicide comme tel, d’où sans doute l’extrême difficulté à obtenir des statistiques officielles et régulières. En dehors de rares exemples médiatisés, retrouvés dans la rubrique « fait divers » des journaux africains, le suicide est passé sous silence, et n’intéresse guère les responsables politiques qui semblent avoir d’autres priorités, comme leur enrichissement personnel par le détournement des deniers publics et les luttes de pouvoir.

A l’heure où l’occident confronté à une série de suicides collectifs chez les adolescents, à des initiatives plus individuelles chez des personnes broyées par la pression du travail, s’active et met en place des structures capables d’anticiper, de prévenir et de répondre à ces détresses humaines, bien que mal, l’Afrique, quant à elle, se réfugie derrière une lourde opacité indicible et un refus clair de communiquer sur un problème majeur. Pourtant, le suicide affecte les familles africaines, en particulier des adolescents qui quelques fois semblent perdus dans la quête de leur identité . Si après les indépendances, la plupart « des anthropologues convenaient que le suicide était presque absent en Afrique », de même que dans les « sociétés islamiques traditionnels », l’on peut penser qu’elle soit liée au progrès économique et social des années 70 et 80 . Ainsi, il serait la résultante de l’émergence des « facteurs économiques » (le chômage , la pauvreté ) et « socio-démographiques » (chez les jeunes : la carence parentale, les abus de drogues et d’alcool, maladies graves, la solitude). Le milieu culturel reste un facteur déterminant, au travers de bouleversements et de pressions psychologiques , dans l’adoption de comportements suicidaires. En effet, l’infertilité ou la fornication (la perte de virginité avant le mariage chez les jeunes filles) dans des sociétés africaines à la fois imprégnées de valeurs traditionnelles et religieuses, n’est pas simple à assumer. Afin d’éviter la honte (le déshonneur familiale par exemple), la mort – le suicide – est souvent une alternative. D’un autre coté, il est à souligner que depuis qu’elle court après le modernisme néolibéral, l’Afrique a sacrifié sur l’autel de l’individualisme, son esprit de solidarité et de fraternité. Alors, l’affaiblissement du « soutien social » naguère l’une des caractéristiques du continent, ne permet plus la protection contre « l’éventualité du suicide ». Les hommes sont désormais des îlots, et les jeunes africains en détresse se retrouvent trop souvent seuls et face à eux-mêmes. Le suicide demeure est acte considéré comme une souillure, quelque chose d’impropre et de malsain.





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