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Il y a quelques jours, Myriam a été retrouvée morte dans sa chambre. A coté de son corps inerte, se trouvait un flacon de comprimés entièrement vidé. C’était une adolescente qui allait encore au collège à Bonamoussadi[1]. Personne n’a rien vu venir. En guise d’adieu, elle a laissé une lettre à ses parents dans laquelle elle tentait d’expliquer son geste. D’expliquer l’inexplicable.
« Une personne met fin à ses jours toutes les 40 secondes. Aucun pays n’est épargné »[2]. Un constat froid et inquiétant, car s’il y a un mal qui ronge dans le silence, c’est le suicide. On n’arrive difficilement à le cerner et quand il se manifeste, il est malheureusement trop tard. C’est donc une urgence que de se plancher sur ce phénomène[3] qui loin d’être exclusivement occidental comme l’on a tendance à le penser en Afrique[4], touche d’une manière universelle toutes les zones géographiques[5], les couches sociales[6], des jeunes aux adultes[7].
Le suicide[8] est « l'acte délibéré de mettre fin à sa propre vie ». Dans le jargon médical, on parle aussi d’autolyse[9]. Selon les estimations de l’Organisation Mondiale pour la Santé (OMS), le nombre de décès dus au suicide pourrait passer à 1,5 million d’ici 2020. Face à l’ampleur du phénomène l’OMS a décidé de consacrer à cette urgence une Journée mondiale de prévention du suicide organisée le 10 septembre[10]. En Afrique, la question du suicide est très vite éclipsée par la brutalité et la profusion des conflits fratricides, sans doute parce que le suicide tue loin des cameras et du sensationnel, à l’abri des regards qui n’osent voir et des voix qui préfèrent se taire, par pudeur ou par honte. C’est donc un sujet tabou dans son essence mais aussi dans sa manifestation. De nombreuses coutumes considèrent que le suicide est une malédiction ou un acte de sorcellerie[11]. Couramment, l’on parle d’ « accident » pour dire « suicide ». Le mot est banni dans de nombreuses familles. Quelques fois, il n’existe même pas. D’où l’extrême difficulté d’obtenir des statistiques officielles. En dehors de rares exemples médiatisés, retrouvés dans la rubrique « fait divers » des journaux africains, le suicide est passé sous silence, et n’intéresse guère les responsables politiques qui semblent avoir d’autres préoccupations.
A l’heure où l’occident confronté à une série de suicides collectifs chez les adolescents, à des initiatives plus individuelles chez des personnes broyées par la pression du travail, s’active et met en place des structures capables d’anticiper, de prévenir et de répondre à ces détresses humaines, l’Afrique se réfugie derrière un lourd tabou caractérisé par une opacité indicible et un refus clair de communiquer sur un problème majeur. Pourtant, le suicide affecte les familles africaines, en particulier des adolescents qui quelques fois semblent perdus dans la quête de leur identité[12]. Si après les indépendances, la plupart des anthropologues convenaient que le suicide était presque absent en Afrique, de même que dans les sociétés islamiques traditionnels, l’on peut penser que sa présence, en ce qui concerne l’Afrique francophone, soit liée au progrès économique et social des années 70 et 80[13]. Ainsi, il serait la résultante de l’émergence des facteurs économiques (le chômage[14], la pauvreté[15]) et socio-demographiques (chez les moins de trente ans par exemple, la carence parentale, les abus de drogues et d’alcool, maladies graves, la solitude). La culture reste un facteur déterminant, au travers de bouleversements et de pressions psychologiques[16], dans l’adoption de comportements suicidaires. En effet, l’infertilité ou la fornication (la perte de virginité avant le mariage chez les jeunes filles) dans des sociétés africaines à la fois imprégnées de valeurs traditionnelles et religieuses, n’est pas simple à assumer. Afin d’éviter la honte (le déshonneur familiale par exemple), la mort – le suicide – est souvent une alternative.
D’un autre coté, il est à souligner que depuis qu’elle court après le modernisme néolibéral, l’Afrique a sacrifié sur l’autel de l’individualisme, son esprit de solidarité et de fraternité. Alors, l’affaiblissement du soutien social naguère l’une des caractéristiques du continent, ne permet plus la protection contre l’éventualité du suicide. Les hommes sont désormais des îlots, et les jeunes en détresse se retrouvent trop souvent seuls et face à eux-mêmes. Le suicide ici n’est pas ritualisé comme au Japon, du moins dans la culture samouraï. C’est un acte considéré dans la plupart des familles comme une souillure, quelque chose d’impropre et de malsain.
Seulement en Afrique, chaque décès par suicide a des conséquences dévastatrices du point de vue affectif, social et économique pour d'innombrables familles. Il s'agit d'un problème de santé publique majeur[17]. Certaines ONGs locales ont récemment constaté un accroissement alarmant[18] des comportements suicidaires chez les jeunes africains de moins de trente ans. Cette recrudescence a pour origine la virulence de la pauvreté et de la précarité, la perte d’un être cher, les disputes, une rupture amoureuse ou des ennuis personnels. Quelques fois, pour les jeunes actifs, les difficultés professionnelles, la discrimination, incluant l’exclusion, le rejet par autrui et le sentiment d’injustice sociale. Dans certains cas, l’on trouve l’isolement social, l’échec académique ou scolaire, les sévices sexuels (surtout en milieu carcéral). Les moyens les plus couramment utilisés pour « en finir » sont multiples et variés, des pesticides aux les armes blanches (couteaux, lames, ciseaux etc.), en passant par la pendaison et les médicaments comme les analgésiques, toxiques en doses excessives.
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