by FEUSSOM
Published on: Nov 28, 2005
Topic:
Type: Opinions

Décrite dès l'Antiquité et au Moyen-Age, la grippe a été identifiée comme une cause d'épidémies au fil des siècles. Si l'on ne sait pas vraiment quand les virus sont apparus chez l'homme, on est aujourd'hui en mesure d'expliquer l'origine et la cause de la ré-émergence périodique des pandémies de grippe.

Un virus très variable.

La grippe est due à trois groupes de virus, A, B et C. Tandis que le virus de type C est relativement stables, les virus de type A et B évoluent sans cesse.

Un premier mécanisme de variation est appelé glissement antigénique : des mutations de gènes codant pour des protéines de surface provoquent des modifications mineures du virus. Le nouveau variant reste très proche du précédent, si bien que l'immunité conférée par une grippe contractée précédemment protégera contre le nouveau variant.
Cependant l'accumulation de ces modifications entraîne une différence antigénique qui aboutit à une moindre reconnaissance du nouveau virus par les systèmes immunitaires qui ont rencontré ces virus dans le passé. Ce phénomène impose le changement des souches vaccinales plus ou moins régulièrement. L'aspect progressif de ces changements explique que la plupart des épidémies sont souvent mineures ou de moyenne importance.

Pour les virus de type A, il existe un deuxième phénomène de variation, appelé cassure, qui peut être plus grave. Des changements radicaux des protéines antigéniques du virus, avec le remplacement d'une protéine par une autre, donnent naissance à un nouveau virus, totalement différent de celui qui circulait jusque-là. Brutalement ce nouveau virus apparaît et gagne tous les continents. C'est la pandémie. L'immunité pré-existante ne protège pas et un vaccin préparé avec les souches précédentes est inefficace.
C'est ainsi que de nouveaux virus sont apparus, causant des pandémies dramatiques : grippe espagnole en 1918 (40 millions de morts), grippe asiatique en 1957 (4 millions de morts) et grippe de Hong Kong en 1968 (2 millions de morts).
Une cassure impliquant le gène de la protéine majeure de surface du virus, l'hémagglutinine, constitue le point de départ d'une pandémie potentielle, après laquelle une période de circulation dans l'espèce humaine s'installe avec des épidémies saisonnières "normales".
Depuis vingt-cinq ans, les virus en circulation sont des descendants du virus Hong-Kong (1968). Les vaccins légèrement modifiés chaque année sont efficaces.

A ces deux mécanismes, il faut ajouter la possibilité de ré-émergence d'un virus ancien. Ainsi, un sous-type disparu depuis 1957 est réapparu en 1977 causant "l'épidémie de grippe russe" et les virus qui en sont dérivés circulent toujours aujourd'hui..

Un virus qui vient des oiseaux

Où dorment ces virus pendant des années ?
Sans doute chez les animaux et notamment les porcs et les oiseaux. Les oiseaux sont vraisemblablement l'hôte original des virus de la grippe : ils servent de réservoirs à tous les sous-types de virus A. Les réservoirs animaux jouent un rôle important dans l'apparition de nouveaux virus chez l'homme. L'exemple le plus documenté est l'apparition du virus de Hong Kong en 1968. Ce nouveau virus s'est rapidement étendu aux pays voisins puis au monde entier en l'espace d'une année. Les virus humains qui circulaient seuls depuis 1957 appartenaient au sous-type A (H2N2). Deux gènes dont un gène majeur ont alors été remplacés par leurs équivalents de virus aviaires : H3 a remplacé H2.

Les pandémies de grippe prennent souvent naissance en Extrême-Orient où la population très dense vit en contact étroit avec les animaux. L'élevage conjoint du porc et du canard favorise le passage du virus de l'animal à l'homme. Les canards domestiques sont contaminés par des canards sauvages migrateurs. Les porcs respirent de grandes quantités de virus aviaires. Si le porc est également contaminé par un virus humain, un virus hybride peut apparaître. Ensuite, les fermiers sont contaminés par voie respiratoire par le nouveau virus. Après quelques mutations, le virus s'adapte à l'homme et commence à se répandre dans la population.

Les virus grippaux des oiseaux constituent un gisement de gènes viraux. On pensait jusqu'à récemment que ces virus n'infectaient pas l'homme mais pouvaient infecter le porc, que des virus humains peuvent aussi contaminer. Le porc semblait être l'intermédiaire obligatoire entre l'oiseau et l'homme. L'épisode de "la grippe du poulet" survenu à Hong-Kong en 1997 a cependant montré que des virus aviaires pouvaient directement provoquer des cas humains de grippe, parfois sévères : 18 personnes furent touchées dont 6 décédèrent. Le même virus aviaire (H5N1) infecta en 2003 deux autres personnes dont une mourut, toujours à Hong Kong. Deux cas en 1999 et un en décembre 2003 ont encore été recensés dans cette ville, mais dûs à un autre virus aviaire A(H9N2). Un troisième virus aviaire A(H7N7) a provoqué la mort d'un vétérinaire et touché 83 personnes aux Pays-Bas en avril 2003.

La menace de la grippe aviaire A(H5N1)

Huit pays d'Asie ont été touchés fin 2003-début 2004 par une épizootie de grippe aviaire due au virus A(H5N1) : Cambodge, Chine, Indonésie, Japon, Laos, Corée du Sud, Thaïlande et Vietnam. En janvier 2004, l'OMS lançait l'alerte : le virus aviaire en circulation était déclaré transmissible à l'homme. Plusieurs cas humains mortels avaient alors été recensés au Vietnam, la plupart des personnes infectées faisant partie de familles de fermiers, avec des élevages familiaux de volailles. De fait, entre le 30 décembre 2003 et le 17 mars 2004, 12 cas humains d'infection due au virus A(H5N1) avaient été confirmés en Thaïlande, et 23 au Vietnam, provoquant au total 24 décès. Pendant cette période, 100 millions de poulets étaient morts de la maladie ou avaient été abattus. Une résurgence de l'épizootie en juin 2004 dans certains pays et quelques cas sporadiques chez l'homme avaient suivis.
Mais c'est surtout depuis fin décembre 2004 que la situation s'est à nouveau aggravée, avec la découverte de nouveaux foyers chez les volailles au Vietnam et plusieurs décès chez l'homme, puis les premiers cas humain au Cambodge, et une recrudescence de l'épizootie dans certaines provinces en Thaïlande ainsi que dans le Nord-Ouest de la Chine. Le premier cas humain en Indonésie a été confirmé en juillet 2005. A ce jour*, le bilan global officiel des cas humains touchés par la grippe aviaire est de 132 cas, dont 68 décès, recensés au Vietnam (93 cas), en Thaïlande (21 cas), au Cambodge (4 cas), en Indonésie (11 cas) et en Chine (3 cas). Récemment, les premiers foyers de grippe aviaire H5N1 ont été signalés chez des volailles en Europe.
Bien que des cas de transmission d'homme à homme aient été suspectés, le virus ne fait pas aujourd'hui l'objet d'une transmission interhumaine efficace. Mais la rencontre entre le virus aviaire et le virus humain est actuellement redoutée: elle pourrait conduire à des échanges génétiques entre les deux types de virus et déboucher sur un virus réassortant susceptible de s'adapter plus facilement à l'homme. Un tel virus pourrait alors diffuser sur un mode épidémique voire pandémique. A l'heure actuelle, l'abattage massif des élevages de volailles et la mobilisation d'un réseau international de laboratoires, dont un à l'Institut Pasteur, font partie des moyens mis en œuvre pour prévenir une éventuelle pandémie. Des candidat-vaccins humain contre le virus A(H5N1), mis au point par différents laboratoires en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, devraient entrer en phase d'essais cliniques.

* bilan OMS au 25 novembre 2005, depuis janvier 2004. Ces cas humains sont apparus en trois phases : de janvier à mars 2004 (35 cas, dont 24 mortels), d'août à octobre 2004 (9 cas, dont 8 mortels) et de décembre 2004 à aujourd'hui (88 cas, dont 36 mortels).

@JM
réf: pasteur...

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