by Jean Wilner I Louis | |
Published on: May 4, 2005 | |
Topic: | |
Type: Opinions | |
https://www.tigweb.org/express/panorama/article.html?ContentID=5514 | |
C’est le thème de la conférence organisée par le Groupe Croissance, lors de la commémoration de son dixième anniversaire le vendredi 1e octobre 2004. Plusieurs personnalités du monde scolaire et de la communauté universitaire haïtiens ont assisté à cette rencontre. L’intervenante, madame Roseline Benjamen, psychologue, a surtout, dans son exposé, orienté la réflexion sur le rôle et l’importance de l’intelligence émotionnelle. Le monde scolaire haïtien et le développement de l’intelligence émotionnelle Selon Madame Roseline, l’humanité a passé des millénaires à investir dans ce qui ne représente que 20% du potentiel humain, c’est à dire le quotient intellectuel. Point n’est besoin de signaler le cas pour Haïti où, jusqu’à l’heure actuelle, l’on ne dispose, comme repère ou point d’ancrage, d’aucune philosophie consciente d’éducation. Même le QI(quotient intellectuel) ne fait pas l’objet d’une prise en charge sérieuse, chez nous, en Haïti. Alors, qu’en est-il du QE( quotient émotionnel)? Le quotient émotionnel et son importance Dans son livre « L'intelligence émotionnelle », Daniel Goleman(1997) présente l’intelligence émotionnelle comme une capacité comprenant cinq grandes composantes : · la conscience de ses émotions ; · la maîtrise de ses émotions ; · la capacité de se motiver ; · l'empathie ; · la maîtrise des relations avec les autres. Faute de trouver à ce nouveau concept- qui émerge dans la terminologie en usage chez les psychologues- une définition qui fasse autorité, on préfère le présenter et l’analyser sous l’angle de ses composantes. Il pourrait donc probablement s’agir de cette capacité qui permet à une personne de composer harmonieusement avec son environnement immédiat et de trouver la solution efficace dans une situation relativement épineuse. Les personnes qui présentent une certaines habilité dans l’art de la négociation, qui sont d’humeur contagieuse et capables de concession auraient un quotient émotionnel plus élevé que celles qui sont plutôt conflictuelles. En Haïti, il paraît que sommes plutôt les porteurs d’une culture conflictuelle : nous nous entendons difficilement sur des différends. Le travail qui consisterait à éveiller d’abord, et améliorer, ensuite, notre intelligence émotionnelle, interpelle la conscience des autorités éducatives. Puisqu’il s’agira de commencer à travailler pour léguer, en termes d’hérédité sociale, un héritage valable à la génération du tricentenaire. Dieu soit loué qu’il soit possible d’agir sur l’intelligence émotionnelle! Mais cela n’ira pas de soi : il faut d’abord créer les conditions nécessaires à l’exécution d’une telle tache. Et cela doit passer par une redéfinition de notre philosophie de l’éducation. Redéfinir la philosophie de l’éducation en Haïti Redéfinir la philosophie de l’éducation, en Haïti, revient à se poser les questions suivantes : « Pourquoi éduquons-nous les jeunes haïtiens? Dans quelle intention les formons-nous dans les écoles? Qu’attendons-nous d’eux ou, encore, qu’est-ce que la nation attend-elle de nous, en tant qu’éducateurs?». De telles interrogations devraient plonger les décideurs dans une profonde réflexion sur notre degré de fidélité par rapport à la mission que nous sommes sensés accomplir en tant que patriotes et nationalistes.( Nous ne voulons pas parler d’un nationalisme d’enfermement au sens où l’entend le docteur Claude Souffrand (2004) dans l’ouvrage « Haïti à l’ère des ordinateurs-Diaspora•Femmes•Éducation »). Il s’agit plutôt d’un nationalisme qui portera les éducateurs à s’élever au-dessus de leurs intérêts en vue de réfléchir sur les problèmes de notre système éducatif et d’adopter la solution qui s’impose, sans parcimonie aucune. Mais la redéfinition de cette philosophie de l’éducation doit partir de certaines pistes précises de réflexion : en formant à l’école les jeunes haïtiens, quelle est la vision des éducateurs? Celle de la Diaspora? De la nation haïtienne? Ou, encore, de l’individu, c’est à dire du jeune haïtien lui-même, en tant qu’être responsable d’orienter son devenir? Ces questions nous ramènent au problème posé par J. Leif et G. Rustin (1984) dans l’ouvrage « Philosophie de l’éducation » ( premier tome). En fait, ces auteurs abordent la question de la légitimité et des fins de l’éducation sous deux angles : la société et l’individu. La société : la nation Nous sommes conduits par les auteurs à effectuer un retour vers le passé greco-romain. A ce moment, toute l’éducation s’était orientée dans le sens de la culture militaire. Puisque la société était « toujours en état de défense » (J. Leif et G. Rustin, 1984). Mais avec la révolution technologique, la société moderne semble avoir plus besoin de techniciens que de soldats. Aussi la formation scolaire se voit-elle, du même coup, assigner la mission de former cette main-d’œuvre qui consistera à résoudre les problèmes sociaux d’ordre technique. Cependant, la tache des éducateurs commence à se complexifier dès lors qu’ils doivent chercher à former des citoyens pour des sociétés de plus en plus démocrates. Alors, l’éducation de la convivialité, du sens des responsabilités, de la loyauté et du désintéressement devient une priorité. Dans une telle mouvance, on pensera nécessairement à former non seulement le citoyen d’un pays, mais également celui de l’humanité : étant donné qu’à notre époque, plus qu’à aucune autre de l’histoire de l’humanité, les barrières entre les races et les cultures se dissolvent. L’individu : l’écolier Quand l’éducation devient puerocentrique, on se fait une idée de l’homme, on élabore une certaine conception de celui-ci. Dépendamment de la conception que l’on se fait du sujet apprenant, la formation scolaire sera orienté dans un sens ou dans un autre : chercher à maximiser le quotient intellectuel de l’écolier à travers un programme rabelaisien, éduquer à la liberté et à la justice, édifier une intelligence fine et lettrée, sont autant de possibilités avec une éducation reposant sur l’individu ou sur l’écolier lui-même. Mais ces orientations du programme scolaire, qui, d’ailleurs, doivent découler d’une redéfinition de la philosophie de l’éducation haïtienne, nous conduisent à réfléchir sur la mise en application d’une politique sérieuse de l’éducation. Pour une politique de l’éducation en Haïti De nos jours, l’administration scolaire commence à devenir une discipline qui s’impose dans la foulée des sciences de l’éducation. Quoi qu’on en pense, elle s’avère d’une nécessité incontournable pour la mise en application d’une politique de l’éducation. Mais qu’en est-il de chez nos, en Haïti? Le jours même où le Groupe Croissance organisait la conférence sur ce sujet qui nous occupe dans cet article, certaines questions relatives à l’administration scolaire en Haïti ont été soulevées. Il semble même que l’existence de cette nouvelle discipline, dans laquelle on devrait penser à former de nouveaux cadres, est ignorée chez nous. Dans une conversation avec un éducateur du Cap-Haïtien, le professeur Léandre Altiéry, nous avons abordé certains problèmes qui font lamentablement échec au système scolaire en Haïti. Selon le professeur Altiéry, rien qu’au Cap-Haïtien, l’administration scolaire se heurte à deux obstacles principaux : la course effrénée à l’argent avec la drogue comme corollaire et le phénomène des « raquetteurs ». Ces derniers, pour reprendre le mot de l’éducateur capois, « nous submergent ». Il n’est donc pas question de l’émergence des raquetteurs : ils font plus qu’émerger. Ils s’imposent et se taillent une place de priorité dans notre système scolaire. Ils préparent de faux carnets, donnent de fausses notes et tendent à faire regorger l’intelligentsia nationale de « faux-philosohes ». Dans de telles conditions, on a de quoi se demander « où vons-nous dans ce pays?». Nous parviendrons à poser les bases d’une politique sérieuse de l’éducation lorsque nous aurons mûrement réfléchi sur ces problèmes qui rongent notre système scolaire. Ces question que nous venons de soulever doivent participer des priorités dans les décisions à envisager pour sortir notre école de ces gaucheries administratives et en éviter les conséquences désastreuses qu’on tend à léguer en héritage à la génération du tricentenaire haïtien. Comme un professeur de langue nous a fait remarquer, dans une conversation sur la question de la surnumérarité, que pour parvenir à 40 élèves dans nos salles de classe, il nous faudra travailler assidûment pendant 20 ans à partir de 2004, on est en droit de se demander également que, pour parvenir à faire l’éducation de l’intelligence émotionnelle, s’il ne nous aura pas fallu le double de ce temps. Jean Wilner I. Louis Finissant en psychologie, Faculté d’Ethnologie Email : woulouis@yahoo.fr Références 1- Claude Souffrand et al : Haïti à l’ère des ordinateurs- Diaspora•Femmes•Éducation, H. Deschamps, Port-au-Prince, 2004, 215 pages 2- Daniel Goleman : L’intelligence émotionnelle. http://www.manageris.com/all/com/dom/as4_cadre.html[ en ligne]. 1997. consulté le 8 octobre 2004 3- J. Leif et G. Rustin : La philosophie de l’éducation –Pédagogie générale-(tome 1), Delagrave, Paris, 1984, 359 pages. « return. |