by Mohamed KOUYATE
Published on: Dec 12, 2009
Topic:
Type: Opinions

Picture, "Africa dawn lights," by Samira Hassan.

Il est important aujourd’hui de repenser la gestion de la chose publique en Guinée après les évènements du 5 décembre 2009. Pour bon nombre de nos compatriotes « le roi est parti, et vive le roi !». Mais est-ce que nos problèmes sont finis ? La paix et la sécurité règnent-elles dans la capitale et les différentes villes du pays ? L’appétit de l’armée est-il en train de s’estomper ? La justice est-elle de retour ? Quant à l’ordre constitutionnel, je vous dispense chers compatriotes de vous muscler les neurones là-dessus. C’est vrai que le Capitaine Dadis n’est pas aux affaires pour l’instant et le général Sékouba KONATE assume l’intérim, mais jusqu’à quand ?

J’ai lu dans les colonnes d’un journal en ligne que le nouvel homme fort du pays a dit que désormais, un militaire qui ferait des tirs isolés, serait rappelé à l’ordre. S’il persiste, on fera évacuer les populations de la zone et on le détruira, lui. Je trouve en tant que citoyen guinéen que cette mesure est bien mais sporadique autrement ce sera du feu de paille. Pour avoir côtoyé un peu les garnisons militaires, je dirai que c’est un simple sursis pour le paisible peuple de Guinée. Il faut la solution pas des solutions. Il me semble que le Général KONATE, veut préserver la quiétude en Guinée.

Si telle est réellement sa volonté, il doit alors éviter ce vieux jeu « du chat et de la souris ». Où qui se cache mieux, gagne la partie en jouant à l’usure ! Il doit promouvoir une réforme systématique de certains secteurs de l’appareil étatique en attendant le grand plongeon. C’est-à-dire la révision de la procédure administrative et comptable de tous les secteurs publics que fera le prochain président démocratiquement élu. Et ce n’est que par là que renaîtra la considération réciproque entre administrateurs et administrés d’une part et l’armée et les civils d’autre part. Le peuple de Guinée a besoin de croire en quelque chose de symboliquement fort pour sa survie sinon nous tendons tous vers la dérive.

Alors des esprits malins pourraient être tentés de dire qu’il faut juste une amende honorable. Cela est bien mais pas suffisant. Il faut aussi sortir le pays de cette autarcie et de cette austérité. Il doit faire comprendre à chaque entité sociale, sa place. Comme le disait Platon (427-348 av JC) dans la République « Si la justice consiste dans l’Etat à ce que chaque classe remplisse uniquement la fonction qui convient à sa nature, elle consistera dans l’individu à ce que chaque élément de l’âme se cantonne strictement dans son rôle, autrement à ce que ni l’élément appétitif, ni le courageux ne se substitue au raisonnable pour le gouvernement de l’âme et la conduite de la vie de la cité » car pour mémoire, le général KONATE fait partie l’équipe qui a créé le gros appétit de l'armée. Même le vieux conté n'a pas fait au tant de dégât en vingt quatre ans de règne.

Aussi, est-il important de rappeler que dans cette réforme, il va de soi que certains individus soient débarqués s'il veut de la quiétude dans le pays comme Idrissa Chérif, Colonel Moussa Keita, Boubacar Barry, et tous les autres marioles qui s'agitent à la recherche de la pitance malheureuse au détriment du bas peuple. Il faut également civiliser le gouvernement et la gestion administrative et comptable des affaires du pays. Il ne doit pas y avoir de sentiment dans ce sens. Il y a certes beaucoup de défis à relever ici, mais il ne faut pas qu'il prétende être « un super man » comme son prédécesseur, qui a déçu le monde entier par sa maladresse. Il n'est qu'un homme comme tant d'autres à la seule différence qu'il a des responsabilités plus considérables que ses compatriotes.

Dans cette perspective, l’humilité et la déférence doivent être de mise. Ce qu'il peut faire aussi, s'il veut du bien du pays, c'est de promouvoir une démocratie participative et consensuelle en mettant en lieu et place de ce gouvernement d’arrivistes et de démagogues, un bureau exécutif chargé de piloter la transition et dont les membres sont des professionnels aguerris et rompus à la tâche et dont la moralité ne souffre d’aucune entorse. Ce ne sont pas des intellectuels guinéens et patriotes qui manquent ! En plus, il doit demander rapidement l'organisation d’un grand forum de réconciliation nationale au cours duquel, l’on libèrera toutes les personnes qui ont été épinglées par la junte pour une raison ou une autre. La société civile pourrait bien gérer ce forum de bout en bout.

Ensuite créer des institutions fortes pour la révision de la constitution. Ce n’est qu’à partir de là que le peuple va lui accorder crédit. De passage il devra négocier très serré le bipartisme avec les partis politiques pour éviter des clivages ethniques qui pourraient enflammer le pays.

Enfin, il devra s’engager vis-à-vis du peuple de Guinée et de l’opinion internationale qu’il organisera des élections présidentielles transparentes auxquelles il ne se présentera pas ainsi qu’aucun membre directement liés ou pas à la junte. Dans ce processus démocratique il assurera la sécurité et l’arbitrage de long en large. Ce n’est que par cette voie, elle s’inscrira dans l’histoire de l’humanité à jamais en évitant à son pays la perte imminente qui point à l’horizon. La tâche est ardue mais ô combien exaltante.

Nicolas Machiavel n’a-t-il pas dit dans Le Prince : « Il n'y a pas chose plus difficile à entreprendre; ni à réussir plus douteuse; ni conduire plus périlleuse, que de s'investir à introduire de nouvelles institutions car, celui qui le ferait à pour ennemis tous ceux à qui les institutions anciennes sont favorables et trouve de tièdes collaborateurs en tous ceux que les institutions nouvelles avantagent. Pour réussir son entreprise il doit procéder par prière ou par contrainte. Dans le premier cas, il finit toujours mal et ne parvient à bout de rien. Mais s'il peut contraindre et dépendre de lui-même, il est alors rare qu'il soit en danger. »

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