by Sessi HOUNKANRIN,PCC
Published on: Nov 29, 2008
Topic:
Type: Interviews

Agé de 29 ans, Kristian Gareau a travaillé sur un projet de conservation des tortues luths au Costa Rica, ainsi qu'avec plusieurs organismes québécois et canadiens sur des programmes relatifs à l'environnement et au leadership des jeunes.

Bonjour Kristian, pourrais-tu te présenter à nos lecteurs ? Parle-nous de toi, de ton parcours personnel, de tes intérêts, de ton engagement social, en bref de ce qui t’anime au quotidien…


J'ai toujours été très attiré par les sciences humaines et naturelles. En ce qui concerne mes études , j'ai choisi les sciences naturelles pour des raisons pragmatiques. Mes intérêts sont toujours partagés entre l'anthropologie, l'histoire, la philosophie, etc. d’un coté et de l'autre, l'environnement, la biologie et les sciences naturelles. Mais, cet aspect est plutôt le reflet d'une division dans l'esprit occidental et non nécessairement d’une distinction fondamentale. On a seulement à regarder dans l'histoire européenne quand la science s'appelait "la philosophie naturelle." La, il n'y avait pas de séparation --mais, les penseurs ont décidé d'aller avec un paradigme qui postule une division fondamentale entre le corps et l'esprit, l’homme et la femme, etc. C'est une catégorisation qui ne considère pas l'équité de nos relations, et bien sur, c'est fort probable que c'est cette absence relative d'équité et de justice qui m'a inspiré à devenir plus actif dans ma vie. Même si mes choix n'ont toujours été très clairs au début, je les vois quand même en rétrospective.

L'autre jour, une ancienne amie à moi m'a dit qu'elle appréciait beaucoup le fait que je n'ai pas perdu mon esprit d'enfant. En anglais, il existe la distinction entre les mots "childish" et "childlike". Le premier est négatif, mais le deuxième est positif, avec la connotation d'un cœur libre et d’une ouverture d'esprit. Les simples plaisirs ne m'échappent pas, ils m'animent tous les jours: les amis, la nourriture, les plantes, les animaux. Je suis une personne très curieuse--j'adore découvrir des nouvelles choses: par exemple, comment le miel est produit, ou tel processus naturel ou biologique, l'histoire de tel peuple ou pays, de voir tel espèce d'animal ou oiseau pour la première fois. Peut-être que ces choses peuvent paraitre banales pour quelques uns, mais elles ne le sont pas pour moi! A partir de ce constat là, je deviens de plus en plus motivé par la collaboration créative avec d'autres gens qui ont autant de soif pour la vie et l'expérience que moi.

Tu es passionné par les enjeux environnementaux et la question des changements climatiques peux-tu nous expliquer ce qui t’a amené à t’engager dans cette voie?

C'est très simple. On entend un cri d'alarme de quelqu'un qu'on aime, qu'est-ce qu'on fait? On bouge. La planète est en crise, et j'aime la planète, alors il faut bouger pour résoudre nos problèmes. Bien sur, il y a plusieurs luttes aussi importantes, mais d'après les observations des milliers de scientifiques et d'autres experts à travers le monde, on est témoin d'une vitesse de changement très, très, très grave. Les conséquences de changements climatiques vont continuer à nous frapper pendant de longues années, sans oublier la déforestation, la désertification, l’effondrement des techniques de pêche artisanale et même cette "crise" financière qui nous touche. Ce dernier élément est une expression d'une crise plus profonde, une crise écologique, même "spirituelle." De toute façon, on joue très fort avec les systèmes naturels dans lesquels on est impliqués, et voilà, on vivra les conséquences d'ici peu, bien sur on les vit déjà assez, merci.
Mais, dans tout ça, je trouve qu'il y a quand-même un message d'espoir, même si je pense qu'il faut aller assez profondément dans notre désespoir, dans notre peur, ainsi que notre compassion et notre force, pour le trouver. Il y a plusieurs personnes au sein du mouvement qui considère les changements climatiques comme une excellente opportunité pour mettre nos systèmes "à jour", c'est à dire de transformer notre économie en un système viable, durable, résilient et équitable. En plus, de trouver des valeurs alternatives du matérialisme et de l'individualisme qui sont souvent imposés. Et, même si cette dernière "renaissance culturelle" n'arrive pas (le mouvement pour des solutions alternatives est toujours petit), au moins on peut améliorer et aller au-delà d'une économie basé sur le pétrole et l'exploitation.


Tu as animé et facilité plusieurs ateliers d’éducation environnementale pour des jeunes âgés entre 17- 20 ans. Quels sont les principaux aspects relatifs aux comportements que nous devons adopter pour préserver l’environnement?

N’ayez pas peur de parler de ce qu'on aime. Dare to care. On ne sortira jamais de notre crise écologique avec la même mentalité qu’avant. Il faut aller au-delà de ce qu'on connait, de notre bulle confortable de la vie quotidienne. C'est à chacun de décider pour soi-même en quoi consiste ce risque. Mais, comme Dan Millman a dit, ‘the way of the warrior is not about vulnerability, it is absolute vulnerability.’
L'espoir c'est important. Si votre message ne contient pas d'espoir, il y aura pas grand monde qui vous écoutera. Mais, je dirais que même plus important que l'espoir, c'est l'amour. Il faut aimer quelque chose --les oiseaux, la mer, la musique, les animaux, l'art, l'amitié... Be a lover, not a fighter... that is the way of the warrior. Et en ce qui concerne mon usage du mot guerrier, je ne parle pas des armes ni des militaires, mais plutôt d'une métaphore basé sur une attitude de respect, paix et de justice.
Chacun de nous doit trouver son chemin, là ou on s’épanouit le plus. C'est uniquement sur cette voie là qu'on fera une différence.

Quels sont les moments forts du Congrès Mondial des Jeunes 2008 qui t’ont le plus marqué ? Pourquoi?

C'était vraiment les interactions que j'ai eu avec les gens dans l'informel qui m'ont affecté le plus. Mais, il faut être conscient que ce congrès n'a pas été le seul "congres" des jeunes... il y a beaucoup d’autres réseaux qui travaillent d'une manière très différente, soit artistique ou créative ou dans les rues--et ils ne sont pas nécessairement plus ou moins bons ou efficaces... ce sont des styles et des approches différentes. Et si on veut sérieusement devenir le changement qu'on veut voir dans le monde, un jour il faudra les inviter à notre congrès, ainsi que d'aller visiter leur congrès. Parce que si l’on est sérieux à propos de la diversité, il va falloir toujours se rassembler de différentes manières, non seulement, lors des conférences, congrès, au parlement, dans les écoles, dans les tipis et les wig-wams, les forêts et les champs.
Le CMJ devrait reconsidérer sa manière de rassembler et regrouper des gens, parce qu'il existe des manières encore plus significatives et plus puissantes pour unir le monde et passer à l'action positive--il faut juste penser un peu hors du cadre, même pas mal dehors du cadre. Parce que, comme Obama a dit: ""We don't just need to get out of Iraq, we need to change the mind-set that got us into Iraq." Il faisait référence au Moyen-Orient, mais c'est la même chose partout.

Es tu confiant et optimiste pour l’avenir de notre planète?

S'il y a suffisamment d’individus qui puissent aller au delà des divisions que j'ai mentionné, et si ce monde atteint une masse critique, oui. Sinon... j'aurais beaucoup moins d'espoir, mais au moins nous sommes des êtres qui s’adaptent très facilement, même si la moitié de la population meurt, j'ai confiance que les personnes qui devront survivre, survivront. Mais, je ne suis pas encore en mode de survie encore, comme la plupart de mes frères et sœurs sur cette planète. Pour l'instant, mes énergies restent concentrées sur la première option.


Si tu pouvais changer une chose dans le monde quelle serait-elle ? Et dans ton pays?

Que tout le commerce soit équitable. Eau pur, air frais et nourriture saine pour tout le monde.


Que t’ont apporté tes expériences de délégué à la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique (2005) et au Forum Urbain Mondial (2006) ?

J'ai appris que les jeunes sont des leaders d'aujourd'hui, que notre innocence et notre énergie comptent pour quelque chose et que ces choses ne sont pas moins que l'expérience des adultes, mais seulement différentes. C'est cette différence de perspectives qui manque souvent à ces grandes négociations internationales. La voix de la jeunesse n'est toujours pas très comprise par les institutions, mais j'ai rencontré tellement des jeunes inspirant(e)s qui travaillent dans la politique, l'art, la science, la coopération internationale... partout il y a des raisons d'avoir beaucoup d'espoir pour l'avenir (malgré mon dernier commentaire!).


Quelle est ta vision du leadership? Pour toi, quelles sont les qualités essentielles d’un leader?

Quant a moi, un leader est quelqu'un(e) qui n'a pas peur de suivre sa propre vision. Et, pour la suite, quelqu'un(e) qui a suivi sa vision jusqu’au bout. A travers ses expériences, il/elle a appris quelque chose d'important: connaissance de soi et du monde. Et, enfin, il/elle partage ses expériences avec ceux qui l’écoutent, en les écoutant aussi. Donc, il est également un enseignant et un "apprenant," ou un étudiant. On est tous des leaders, il faut juste comprendre comment écouter notre monde intérieur.


Tu fais incontestablement partie de la nouvelle génération de leaders, quels sont tes rêves pour la jeunesse d’aujourd’hui? Que pourrais-tu dire ou conseiller aux jeunes des générations à venir ?

Dans ma première expérience vraiment hors de mon quotidien, Katimavik, il y a 10 ans, la phrase suivante m'a beaucoup affecté et elle résonne avec moi toujours: "Work like you don't need money, Love like you've never been hurt and dance like no one's watching." Et j'ajouterais: "because you've probably been lied to all your life, so if you don't stand up now for what you believe in, you're never going to stop falling for the same old.


Quels sont tes futurs projets, ambitions personnelles ?

Trop nombreux pour les énumérer ici!


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