by Sessi HOUNKANRIN,PCC
Published on: Jul 13, 2008
Topic:
Type: Interviews

Bonjour Sarah, pourrais-tu te présenter à nos lecteurs ? Parles nous de toi, de tes études ainsi que de ton engagement associatif au niveau local et international?

J’ai 20 ans, je suis franco-tunisienne, née en France d’une mère française et d’un père tunisien.

Concernant mes études, je suis étudiante à Paris, à la Sorbonne en Culture Antique et Monde Contemporain. Il s’agit d’un cursus qui prépare aux études de communication et aux concours de la fonction publique ainsi qu’à l’entrée aux écoles de sciences politiques. Il s’agit d’étudier l’histoire, la philosophie et les langues antiques (latin et grec) pour comprendre et analyser le monde contemporain…un sujet qui me passionne.

Concernant mon engagement associatif, il est très vaste!

Localement, je suis engagée en tant que chargée des Relations Extérieures au sein du RETAP, « Rassemblement des Etudiants Tunisiens à Paris », qui est une association de jeunes tunisiens étudiants immigrés ou nés en France. Notre but est d’aider les étudiants dans toutes leurs démarches pendant leur séjour d’études à Paris mais aussi de les aider à s’intégrer, aussi bien dans la vie estudiantine que professionnelle.

Je suis aussi présidente de l’association DREAM Réseau Mondial d’Echange et d’Action pour le Développement. Cette association a été crée à l’occasion du Congrès Mondial des Jeunes qui se déroulera à Québec cet été. Elle a une vocation nationale : informer, sensibiliser, éduquer au développement durable et promouvoir la diversité culturelle dans les écoles et les universités. Internationalement, notre souhait est de créer une base de donnée des projets réalisés par les délégués et un répertoire pour que nous puissions travailler ensemble et monter des projets collectifs multinationaux ou alors s’entraider dans nos projets (pourquoi pas à travers la plateforme TakingItGlobal!). Par ailleurs, nous allons réalisé une série de documentaires concernant l’engagement de la jeunesse, le Congrès Mondial des Jeunes et le 400e anniversaire de la ville de Québec.

Au niveau international, je suis secrétaire générale de l’association ACPE Association Coopération Prévention Eau Pour Tous, qui travaille en France et en Tunisie dans les domaines de la francophonie, l’éducation, l’égalité des sexes, la lutte contre l’ignorance et l’extrémisme, l’environnement. Je suis dedans depuis que j’ai 14 ans et j’ai beaucoup travailler pour que notre travail se développe. Aujourd’hui, nous travaillons dans toute la Tunisie et nos actions profitent à des milliers d’enfants et d’étudiants ainsi qu’à des personnes en zones rurales.


Quels sont les enjeux par lesquels tu te sens le plus concernée ? Pourquoi ? Qu’est ce qui te donne envie d’agir ?

Je suis assez ouverte à toutes les causes. Cependant c’est vrai que je me sens plus concernée par les questions d’égalité entre hommes et femmes parce que j’ai rencontré en Tunisie ce problème, qui disparaît heureusement de plus en plus : pour moi, il est inadmissible d’imposer à des jeunes filles quelle vie elles doivent mener et si elles peuvent faire des études ou pas, travailler ou pas, se marier ou pas…de même pour les garçons. C’est quelque chose qui me révolte profondément car cela va à l’encontre de la liberté inhérente à chaque être humain. C’est comme l’esclavage. Heureusement, la Tunisie possède un gouvernement très ouvert qui lutte pour l’égalité des sexes et l’accès égal à l’emploi et à l’éducation.

Sinon, l’éducation dans les zones rurales me tient à cœur. L’éducation est une priorité, je pense, dans le monde, car sans éducation, il n’y a pas de développement possible.

Par ailleurs, l’entrepreunariat social et économique est une priorité pour la jeunesse, car l’argent est malheureusement le maître mot sur la planète. Pour éradiquer la pauvreté, on ne peut pas faire appel à l’aide humanitaire uniquement. C’est une méthode efficace seulement en situation d’urgence. Pour arriver à une amélioration, il faut promouvoir les micro-crédits et l’entrepreunariat auprès des jeunes. L’entrepreunariat économique créateur d’emplois, dans le genre du commerce équitable pour permettre à tout le monde de profiter des gains. Aussi l’entrepreunariat social avec la création d’associations, de centres sociaux, de centre de santé, d’écoles.

Enfin, donner l’envie d’agir à la jeunesse pour la solidarité est très important. Nous sommes dans une société où l’on enferme les jeunes dans un cercle d’égoïsme : études, travail, vie personnelle, vacances, mode, consommation…les notions de solidarité et de citoyenneté ont complètement disparu dans des pays comme la France ou la Suisse, et c’est à peine si les gens engagés ne se font pas criés dessus quand ils mènent une action.

Par ailleurs, je me sens aussi concernée par l’importance de la promotion de la diversité culturelle. De double nationalité, engagée dans des études, sur les différentes civilisations et l’histoire des nations, je suis forcément très ouverte à la culture de tous les pays et je pense qu’il faut promouvoir la diversité, car comme le dit l’Unesco, « c’est une richesse pour l’humanité ».

Ce qui me donne envie d’agir…l’impression de me sentir utile, d’avoir ma place et d’apporter quelque chose au monde. Je suis très sensible aux malheurs des autres, mais aussi à leur bonheur, tout cela additionné à ma grande générosité…cela doit être la cause de mon envie d’agir!

Tu es Présidente de l’association DREAM (Réseau Mondial d’Échange et d’Action pour le Développement) et directrice du projet DREAM pour la représentation française au Congrès Mondial des Jeunes à Québec… peux tu nous en dire plus sur ce projet et ses objectifs ?

DREAM est une association qui a pour but d'analyser et de comprendre, d'informer, et d'agir afin de promouvoir un développement global et durable pour tous et le principe de diversité culturelle comme une richesse universelle, via une coopération internationale avec de nombreux partenaires, dans le respect de l'autre et dans une optique d'apprentissage et de mélange des cultures, ceci indépendamment de toute préoccupation politique, religieuse, partisane ou syndicale.
Nous souhaitons créer un grand réseau d’échange et d’action avec les délégués qui participeront au Congrès Mondial des Jeunes à Québec afin de réunir les compétences internationales et créer une force d’action, en réseau via Internet. Nous espérons collaborer avec TakingItGlobal pour mettre en place ce réseau.


Qu’attends-tu spécifiquement de ta participation active au Congrès Mondial des Jeunes, qui aura lieu au mois d’août 2008 et de ton statut de double représentante (France et Tunisie ) ?

C’est la première fois que je participe à un congrès. C’est aussi la première fois que je vais sur le continent américain. Cela rend cette expérience doublement excitante. En plus, je vais rencontrer des gens passionnants et je sens que je vais rentrer chez moi avec plein plein d’idées issues des discussions que j’aurais avec les autres délégués.
Je suis très fière de représenter la grande nation rayonnante qu’est la France, de part son prestige et toutes les idées qui lui sont associées : liberté, égalité, fraternité. Je suis aussi très fière de représenter la petite Tunisie, un pays tolérant, partisan du savoir et du progrès, qui se développe très bien et possède des jeunes très prometteurs.

Il est clair que tu es animée par une grande soif de découverte et d’apprentissage continu…tu as de nombreuses activités (photographie, multimédia, Taï Chi Chuan, cyclisme…) et des loisirs variés (lecture, théâtre, opéra, expositions) ? Dis nous Sarah, d’où te vient toute cette énergie ?

Oui j’adore apprendre. Si je pouvais ne serait-ce que m’initier un peu dans chaque domaine, je le ferai! Mais hélas le temps passe trop vite. C’est très important d’avoir des activités culturelles et sportives. Cela apporte un équilibre supplémentaire à ma vie.

D’où me vient mon énergie? Je suis très endurante et passionnée par ce que je fais. Je n’aime pas perdre de temps. Je pense qu’il y a tellement de choses à faire, tellement de causes à défendre, tellement d’informations à diffuser, que je ne peux pas rester sans rien faire. En plus, j’habite à Paris, alors culturellement, je ne peux pas me permettre de rester sans rien faire avec toutes les expositions, les musées, les théâtres qui m’entourent.

Et sinon, je bois du jus d’orange chaque matin et je dors au moins 7 heures par nuit (lol). Physiologiquement, ça aide d’avoir une bonne hygiène de vie : pas de tabac, ni d’alcool et une alimentation équilibrée. Je m’économise. Je fais beaucoup de choses mais je suis très calme. Mes amis m’ont d’ailleurs donné le surnom de « force tranquille » pour cela.

Si tu pouvais changer une chose dans le monde quelle serait-elle ? Et dans ton pays?

Si je pouvais changer une chose dans le monde, je choisirais d’éradiquer l’extrémisme, l’intolérance et l’ignorance, la base de tous les malheurs humains. Dur travail…
Dans mon pays, si je pouvais, je créerais une matière obligatoire, l’avant-dernière année du collège et la première année au lycée, intitulée « engagement civique » pour initier les jeunes à s’investir dans un projet associatif et un projet d’économie durable. Cela remplacerait les cours d’éducation civique qui malheureusement ne sont pas assez développés pour nous inculquer les valeurs de citoyenneté, et permettrait aux jeunes de s’investir dans leur devoir civique et s’ils aiment cela, d’acquérir des connaissances pour continuer à s’engager. Peut-être que je réussirais un jour à faire passer cette idée.

Y a-t-il une réalisation dont tu es particulièrement fière? Pourquoi? Qu’a-t-elle changé dans ta vie et dans celle d’autres personnes ?

La mise en place du Fortin Contre l’Ignorance à Bir Salah est une réalisation dont je suis particulièrement fière. Nous avons mis en place ce centre d’animation pour enfants et femmes rurales en Tunisie et cela a apporté une bouffée d’oxygène à ces personnes car il n’y avait rien dans ce petit village. Les enfants ont pu avoir accès à une grande bibliothèque, des ordinateurs, du soutien scolaire et de l’animation. Les femmes ont trouvé un endroit pour se réunir, faire des activités ensembles. Ce que cela a changé dans ma vie? Cela m’a rendu encore plus à l’écoute et aussi plus efficace car j’ai beaucoup appris dans ce projet. J’ai acquis une expérience irremplaçable, tant dans la préparation de projet que dans l’exécution.

Comment vis-tu ton engagement en tant que jeune et femme sur le plan personnel? Qu’est ce que t’apporte dans ta vie quotidienne le fait d’être une jeune femme engagée?

Cela m’apporte un équilibre et l’impression d’apporter quelque chose aux personnes qui m’entourent. Etre une femme engagée, c’est aussi montrer l’exemple aux jeunes filles pour qu’elles aussi osent s’engager et entreprendre. Je suis très heureuse de pouvoir faire tout ce que je fais car ce n’est pas évident quand on est jeune de sortir du système consumériste et égoïste dans lequel la société tente parfois de nous enfermer. Etre jeune et engagé, c’est prouver que la jeunesse a des solutions. Etre jeune femme engagée, c’est prouver que les femmes sont aussi performantes que les hommes et que les inégalités n’ont pas lieu d’être.

Tu fais incontestablement partie de la génération des jeunes leaders … pourrais tu nous dire quels sont tes rêves pour la jeunesse d’aujourd’hui? Que pourrais tu dire ou conseiller aux jeunes des générations à venir ?

J’espère que la jeunesse d’aujourd’hui trouvera les solutions et réussira enfin à mettre un place un plan d’action global effectif et efficace pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement, en prenant place dans les gouvernements, les ONG et la société civile.

Si je pouvais donner un conseil aux jeunes des générations à venir, c’est d’être ouvert et curieux. Ces qualités sont essentielles pour s’intéresser aux autres et prendre conscience de l’importance de la solidarité et l’entraide.

Quelles sont tes futurs projets, ambitions personnelles ?

J’ai beaucoup de projets pour l’avenir. Déjà je souhaite développer le projet DREAM et créer un réseau d’action européen puis euro-méditerranéen puis international pourquoi pas, en coopération avec les délégués du Congrès Mondial des Jeunes que je rencontrerai cet été. D’ailleurs, j’espère utiliser au mieux TakingITGlobal dans ce projet, grâce aux pages projets et aux divers outils fournis.

Par ailleurs, je serai stagiaire à Paris pour le programme « Community Connector » de TIG de août 2008 à février 2009. Je ferai de mon mieux pour promouvoir cette extraordinaire plateforme jeunesse et inciter tous les partenaires de DREAM à s’y inscrire et à l’utiliser.

Sur le plan scolaire, je souhaite intégrer une école de communication et de sciences politiques afin de travailler plus tard dans le domaine du développement, soit dans des ONGs, soit dans le gouvernement français ou tunisien. Mes ambitions sont assez modestes. Je ne recherche ni gloire ni argent, je souhaite juste pouvoir continuer à agir, à plus grande échelle et avec plus de moyens si cela est possible.


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