by Youths Ahead!
Published on: Sep 3, 2007
Topic:
Type: Opinions

Le principe électif est fondamental dans le fonctionnement de la démocratie. C’est pourquoi les pays qui se veulent démocratiques ont recours périodiquement aux consultations électorales pour choisir leurs représentants. Le droit de vote n’est pas un droit naturel, car il n’est pas inhérent à l’espèce humaine. C’est pourquoi des nationalistes sont morts pour le conquérir, pour arracher le droit de s’exprimer par la voie des urnes. Jusqu’en 1956, juste une petite parie de la population camerounaise jouissait du droit de vote. C’est la loi-cadre de 1956 qui institue le suffrage universel et un collège universel unique. A partir de cette date, le système électoral camerounais a commencé à se constituer. Le droit de vote est l’expression et la représentation de la volonté du peuple, que J.J. Rousseau appelle, à juste titre, « le souverain ». Il affirme que la souveraineté entendue comme l’exercice de la volonté générale est inaliénable, indivisible et indestructible. Pourtant, des auteurs et des citoyens camerounais dénoncent « l’illusion électorale » qui fait du peuple le « souverain d’un jour tous les cinq ans ». La crise de la représentativité à l’Assemblée Nationale, la problématique de ‘établissement d’un plafond des dépenses électorales au Cameroun et le taux élevé d’abstention aux consultations électorales sont autant de réalités qui méritent d’être mises en examen. Existe-t-il un droit de vote au Cameroun ? L’exercice –même approximatif- de ce droit est-il un indicateur de la culture démocratique d’un peuple? En outre, est-ce un critère suffisant ?

I- Le droit de vote

1°A qui appartient le droit de vote au Cameroun ?

La nature du droit de vote change en fonction de la personne qui le détient. Le titulaire du droit de vote (et donc de la souveraineté) est-il le peuple ou la nation camerounaise ? La loi camerounaise n°96-06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 juin 1972 proclame en son article 2(1) que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce soit par l’intermédiaire du Président de la République et des membres du parlement, soit par voie de référendum. Aucune fraction du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice. » Quelle formulation bizarre ! Si l’on parle de souveraineté populaire, alors il apparaît comme un droit, et chacun des individus qui constituent le peuple détient une partie de la souveraineté. Par contre, si l’on parle de souveraineté nationale, le suffrage devient une fonction, car la Nation est une personne abstraite qui désigne les individus qu’elle estime capables de le représenter.

Qu’est-ce qui, chez nous, relève de la souveraineté nationale et qu’est- ce qui émane de la souveraineté populaire ? Le mandat représentatif relève de la souveraineté nationale en ce qu’il rend les députés tout à fait libres à l’égard de leurs électeurs. En effet, un député camerounais représente la Nation camerounaise et non ses électeurs. A ce sujet, les alinéas (2) et (3) de l’article 15 de la Constitution énoncent : « Tout mandat impératif est nul ». Cependant dans la pratique, les électeurs camerounais se représentent l’acte de comme un droit et une reconnaissance de la souveraineté populaire - ceci même si la désignation de représentants représente un abandon de pouvoir- . S’il existe un droit de vote et que ce droit de vote appartient au citoyen, quelles sont les conditions que ce citoyen doit remplir ?

2° Qui est électeur au Cameroun et qui ne l’est pas ?

Sont électeurs au Cameroun les Camerounais des deux sexes âgés d’au moins vingt ans, jouissant de leurs droits civils et politiques et régulièrement inscrits sur le listes électorales. Les étrangers naturalisés, les femmes étrangères devenues camerounaises par leur mariage jouissent du droit de vote. Les personnes condamnées pour crime ou atteinte contre le sûreté de l’Etat et celles qui sont sous le coup d’un mandat d’arrêt, les faillis non réhabilités, les handicapés mentaux sont privés du droit de vote.

II- Les garanties associées au droit de vote

1° Le droit de vote est-il encore un critère ou une garantie de démocratie ? Nous pourrions répondre par l’affirmative, à condition que le vote soit libre, et sincère. La loi n° 2000/016 du 19 décembre 2000 portant création d’un observatoire des élections prévoit à son article 2 que « La mission de l’Observatoire National des Elections est de contribuer à faire respecter la loi électorale de manière à assurer la régularité, l’impartialité, l’objectivité, la transparence et la sincérité des scrutins, en garantissant aux électeurs ainsi qu’aux candidats en présence le libre exercice de leurs droits ».
En outre, l’article 48 de la Constitution prévoit que « le Conseil Constitutionnel veille à la régularité de l’élection présidentielle, des élections parlementaires, des consultations référendaires. Il en proclame les résultats.» Dans quelles circonstances peut-on affirmer qu’une consultation électorale a été libre et sincère ?

a) La liberté du vote signifie pour les électeurs:

- la liberté de choisir
- la liberté de ne pas voter (caractère facultatif du vote)
- l’égalité entre les électeurs
- le secret du vote.

b) La sincérité du vote implique :

- Que l’expression du suffrage est respectée. Ici vont intervenir les déterminants sociologiques, psychologiques, culturels, économiques qui incitent l’électeur à voter pour un tel.
- Que les irrégularités de campagne sont abolies. Nous pensons à la corruption, la diffamation, la publication de la vie privée des candidats, les fausses informations, la fermeture anticipée des bureaux de vote, le dépouillement à huis clos, les votants itinérants, l’achat des voix, le tripotage des chiffres qui sont autant d’influences sur la liberté de choix de l’électeur.

2° Le droit de vote est-il un critère suffisant de la démocratie ?
Il se pose ici un problème de représentation. La démocratie représentative est le régime par lequel le peuple délègue l’exercice du pouvoir législatif à des représentants élus. Comment se fait la désignation de ces représentants du peuple ? Le peuple exerce-t-il lui-même la souveraineté ? Les élus connaissent-ils les préoccupations du peuple ? Un deuxième problème se résume en cette question : la loi du nombre est-elle celle de la raison ? Pour que l’on puisse véritablement parler du droit de vote, il faut que soient garantis d’autres droits: la liberté d’opinion, la liberté de presse, la liberté de conscience, les droits de la défense et l’existence d’une culture de check and balance.

Mfegue Amougou Odette

Membre de Youth Ahead! - Collectif de Jeunes Talents "Jeunesse en Mouvement".

Experte en droits de l’Homme et action humanitaire.



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