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« L’homosexualité est une tare blanche qui ne s’applique pas aux Africains ». Cette déclaration, un peu à l’image de son auteur, est de Robert Mugabe, président éternel de cet enfer austral qu’est le Zimbabwe. Loin d’être isolée, cette sortie sans ambages reflète l’opinion de la forte majorité d’Africains sur un sujet qui dérange et dont on aimerait ne pas en discuter. L’ancien président nigérian affirme lui que l’homosexualité est « perversion du droit divin », tandis que son homologue ougandais le président Yoweri Museweni trouve que les homosexuels sont coupables de « crimes contre nature ». Selon Alex Siewe dans Jeune Afrique : « l’Eglise a condamné sans réserve l’homosexualité pendant la guerre coloniale ; les régimes marxistes ou de parti unique ont présenté plus tard ces pratiques comme une déviance propre à la bourgeoisie, conséquence du capitalisme décadent ; aujourd’hui, c’est paradoxalement au nom d’un retour à des valeurs ancestrales africaines que le sujet est combattu avec véhémence comme une maladie occidentale ».
Pourtant, malgré ses discours, la réalité semble de nos jours dépasser l’imagination. L’homosexualité chez les jeunes Africains est une pratique courante qui tend désormais à se banaliser avec le consentement des populations presque résignées à cette évolution des mœurs. En dehors de quelques pays maghrébins tenus sous pression par des islamistes plus que vigilants, en Afrique subsaharienne, certains jeunes ne se cachent plus et affirment sans complexe leur choix. Ainsi, il n’est plus surprenant de croiser dans les cybercafés des villes africaines, des jeunes personnes à la recherche d’un partenaire du même sexe, ces « tchat » gay qui sont de plus en plus prisés loin des regards des vieux, ces « has been », qui surjouent à la perfection la comédie du conservatisme. De Cotonou à Douala en passant par Abidjan et Johannesburg, la jeunesse africaine se cherche et se trouve parfois au-delà des barrières et des interdits. Des orgies aux pratiques de la fellation et de la sodomie, les frontières de l’acceptable sont moins immuables. Le désir de bien-être guidant ces générations à la découverte des plaisirs encore inconcevables il y a cinq ans.
Mais qu’est-ce donc que cette homosexualité qui suscite publiquement une telle levée de bouclier de la part des dirigeants africains ? Quelle est donc cette malédiction, cette malchance, qui sous l’ombre blanche cache la plus perverse machination occidentale ?
L’homosexualité est simplement – scandaleusement – le fait d’avoir de l’attirance pour une personne du même sexe que soi. Elle englobe les gays et lesbiennes et se situe bien au-delà de la pratique sexuelle pour symboliser la relation sentimentale. Contrairement aux idées reçues, elle n’est pas le propre de l’Occident, presque chaque civilisation et chaque culture a entretenu – entretient – sa propre histoire avec cette pratique venue du fond des âges. Charles Gueboguo, sociologue camerounais, l’a brillamment démontré dans ses recherches sur l’homosexualité en Afrique, on la retrouve dans les rites, les codes et les coutumes, inscrite en lettres d’hypocrisie sur le marbre froid des traditions ancestrales. Que ce soit chez les vaillants guerriers Massaï du Kenya comme chez les Haoussa du Nigeria, l’homosexualité a traversé les époques, survivant difficilement aux assimilations politiques et institutionnelles des indépendances, pour refaire surface aujourd’hui dans la peau de jeunes Africains décidés à se faire accepter pour ce qu’ils sont.
Il y a quelques mois, au Cameroun, la presse lâchait aux populations des listes de présumés homosexuels sur lesquels se retrouvait tout ce que le pays compte d’hommes influents, de politiciens aux financiers en passant par des sportifs et artistes de renom. Une affaire qui a fait grand bruit et a alimenté pendant les moments de disette les chaumières en attisant un peu plus la haine des homosexuels, décidément responsables de toute la misère du pays. Une autre histoire a été au centre de toutes les attentions dernièrement. Celle de ce groupe de lycéennes accusées d’homosexualité après les avoir surpris s’adonnant à des pratiques « malsaines » et « indécentes » au sein de l’établissement scolaire. Au Cameroun comme dans la quasi-totalité des pays africains qui se respectent, l’homosexualité est un délit passible d’une peine d’emprisonnement et de grosses amendes.
Des dispositions légales qui n’inquiètent pas les jeunes. Car ceux-là même qui les condamnent devant les caméras, viennent à la nuit tombée, dans la discrétion nocturne, solliciter les services d’éphèbes obligés de jeter leurs corps en pâture aux loups pour tenter de survivre à la pauvreté ambiante de nos sociétés. Des fonctionnaires, des businessmen, des hommes ordinaires, mariés ou pas, nourrissent ce marché noir où se libèrent les penchants soigneusement camouflés. Cette schizophrénie a un drôle de nom au Cameroun. C’est le « bilinguisme ». C’est-à-dire l’état d’un homme qui est obligé de jouer à un double jeu pour sauver les apparences. Le jour, hétérosexuel convaincu, chrétien, fidèle et souvent marié, perdu quelquefois dans ce personnage. La nuit, plongé dans l’obscurité, se retrouvant enfin libéré dans les bras d’un autre homme. Le bilinguisme ici c’est savoir parler le langage de la « raison » le jour et celui du « cœur » la nuit. Ainsi, les jeunes sont désormais conscients que le malaise social actuel n’est en fait que les derniers soubresauts d’une société condamnée à se regarder dans les yeux et à accepter cette partie d’elle qui loin de la déshonorer, la réconcilie avec son identité.
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